Dossier : le statut d’commissaire de justice salarié

L'organisation patronale Commissaires de Justice de France vous accompagne dans votre vie quotidienne de chef d'entreprise. Votre étude emploie ou s'apprête à embaucher des huissiers salariés ? Zoom sur les spécificités de ce statut encore récent...

PARTIE 1
L’commissaire de justice salarié : un statut paradoxal, entre indépendance et subordination

Historiquement tenu d’exercer en sa propre personne, l’commissaire de justice a vu son statut évoluer au fil du temps. Les prémices d’une délégation possible de ses compétences apparaîssent en 1923 avec la notion de clerc assermenté, apte à le seconder, notamment pour les significations. En 1991 une nouvelle loi autorise le clerc à procéder aux constats. Il faudra ensuite attendre 2010 pour voir apparaître le statut d’commissaire de justice salarié.

L’commissaire de justice salarié est alors considéré comme un huissier à part entière, soumis aux mêmes règles et fonctions que ses confrères (serment, obligations, déontologie, sanctions…), dont le principe d’indépendance. Cependant, il n’exerce pas dans son propre office et est un officier public sous le régime du salariat. Régime impliquant de fait un lien de subordination vis à vis de son employeur.   

Ce statut pose alors une question : comment concilier indépendance de l’commissaire de justice salarié et obligations liées à sa hiérarchie ?

Un lien formalisé par le contrat de travail

Comme pour tout métier, l’commissaire de justice salarié est lié à son employeur par un contrat de travail précisant :

  • la nature des missions qui lui incombent ;
  • les horaires, lieux et organisation de travail auxquels il doit se soumettre ;
  • la rémunération prévue en contre partie du travail fourni, les congés, prestations sociales, etc. ;
  • les conditions de travail (fixées par l’employeur et dans le respect des conventions collectives en vigueur, code du travail et accords de branches).

La clause de conscience : spécificité du métier d’commissaire de justice salarié

Au-delà de ces dispositions, le statut d’commissaire de justice intègre une clause spécifique permettant de respecter le principe d’indépendance inhérent au métier : la clause de conscience.

L’ordonnance du 2 novembre 1945, définit la clause de conscience en ces termes : « Nonobstant toute clause du contrat de travail, l’commissaire de justice salarié peut refuser à son employeur de délivrer un acte ou d’accomplir une mission lorsque cet acte ou cette mission lui paraissent contraires à sa conscience ou susceptibles de porter atteinte à son indépendance ».

En faisant jouer cette clause, le salarié peut refuser de réaliser une tâche ordonné par sa hiérarchie sans être sanctionné d’insubordination. Il s’agit d’un dispositif légal auquel ne peut s’opposer ni le contrat de travail, ni l’employeur.

Cependant, s’agissant de conscience et donc d’un jugement personnel, le motif mis en avant par le salarié lors de son refus d’agir peut être difficile à apprécier. Chers confrères, si vous êtes confrontés à ce cas de figure, Commissaires de Justice de France vous recommande de vous rapprocher d’un médiateur (en la personne du Président de la chambre départementale par exemple), afin de trancher en toute impartialité cette situation avant qu’elle ne devienne conflictuelle pour votre office.   

Pour en savoir plus, nos experts du bureau Commissaires de Justice de France vous répondent : contact 


PARTIE 2
Obligations, interdictions et responsabilité de vos commissaires de justice salariés 

Par son statut particulier, l’commissaire de justice salarié est contraint par un certain nombre de dispositions dans l’exercice de son travail au sein de votre office. Considéré comme un huissier semblable à ses pairs, l’commissaire de justice salarié a, entre autres, pour obligation de respecter :

  • le principe de transparence et de confraternité

L’huissier salarié a une obligation de transparence et de loyauté totales vis-à-vis de son employeur « Je jure de loyalement remplir mes fonctions… ». À défaut, cela serait susceptible de constituer un motif d’incrimination disciplinaire. Déjà présente entre les commissaires de justice (visant à cultiver un sentiment d’union, de solidarité et d’attachement aux règles et entre les membres de la profession), la confraternité doit être encore plus renforcée entre l’employeur et son salarié. Elle implique les valeurs de loyauté, confidentialité et courtoisie : gage de la bonne cohésion de l’office et garantie de l’accomplissement du bien dans ces missions de service publique. 

  • l’obligation d’exercer dans un seul office

L’commissaire de justice salarié est lié à son employeur (individuel ou société) et ne peut exercer ses fonctions qu’au sein d’un seul office. Il doit donc se soumettre à une clause de non-concurrence et ne peut en aucun cas avoir différents employeurs. Dans la même logique, deux offices ne peuvent donc se partager un même commissaire de justice salarié.

  • l’identification et la traçabilité de ses actes

Bien que n’étant pas titulaire des actes établis par l’office, l’commissaire de justice salarié a l’obligation légale d’être clairement identifié sur l’ensemble des actes dont il a la gérance. Il doit les signer de façon claire et en son nom propre de façon à établir une traçabilité au sein de l’office. 

En revanche, n’étant pas propriétaire de l’office et subordonné à son employeur, l’commissaire de justice salarié doit respecter  :

  • l’interdiction d’avoir une clientèle personnelle

Bien que l’commissaire de justice salarié soit amené à gérer des clients dans ses fonctions, ces derniers sont « propriété » de l’office pour lequel il exerce. Il a la stricte interdiction de développer, posséder ou créer une clientèle personnelle.

  • l’interdiction d’instrumenter à l’égard de proches

L’commissaire de justice salarié a également l’interdiction d’instrumenter pour les huissiers de son office, ses parents et alliés jusqu’au sixième degré, ou ceux de ses confères du même office. De la même façon, il est fortement déconseillé d’un point de vue déontologique d’instrumenter à l’encontre de ces personnes.

Zoom sur la responsabilité de l’commissaire de justice salarié :

Salarié, l’commissaire de justice ne peut engager sa responsabilité civile. Toute erreur commise dans le cadre de ses fonctions sera couverte par son employeur (personne ou société) via l’assurance professionnelle.

Comme pour tous les huissiers, l’huissier salarié est responsable pénalement de délits commis dans l’exercice de ses fonctions et de façon aggravée puisqu’il est dépositaire de l’autorité publique. Il est responsable en sa personne et en aucun cas l’office ne pourrait prendre en charge l’amende éventuelle.

Même salarié, l’commissaire de justice est responsable sur le plan disciplinaire au même titre que ses confrères et employeurs. Il est donc justiciable devant la chambre de discipline, pour les mêmes sujets.

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PARTIE 3
vous recrutez un commissaire de justice salarié ? Quelques étapes à suivre…

Avant tout recrutement, il vous faut tenir compte d’une spécificité liée au statut d’commissaire de justice salarié : le numerus clausus. Par cette clause (fixée par ordonnance puis par décret), le nombre d’huissiers salariés est limité par office. La règle du 1 pour 1 s’applique et « une personne morale titulaire d’un office ne peut employer un nombre d’commissaires de justice salariés supérieur à celui des commissaires de justice associés qui exercent la profession au sein de cet office ».

L’entrée dans l’office du nouveau collaborateur, 3 étapes à respecter

1/ la rédaction d’un contrat de travail :  établi par écrit, il doit préciser les conditions de travail du salarié (missions, horaires, conditions d’exercices, etc.) en veillant, comme vu ci-avant, à le contraindre par une clause de non-concurrence (ne pouvant cependant limiter sa liberté d’établissement ultérieure) et à ne pas entraver son indépendance. Il doit également stipuler les conditions de rémunération du salarié. L’commissaire de justice salarié pourra être assimilé à un personnel cadre. Son temps horaire sera alors défini par semaine (35 ou 39h) ou par jours (218 max/an) et son salaire par la catégorie 13, au coefficient 670 (dans la limite minimum).

2/ la nomination : en préalable, le candidat doit bien entendu être titulaire de l’examen professionnel d’commissaire de justice. Ce document sera intégré à un dossier complet comprenant notamment le contrat de travail, déposé conjointement par par le candidat et l’employeur potentiel auprès du procureur général. Ce dernier recueillera l’avis de la chambre régionale puis le transmettra ainsi que son propre avis au garde des sceaux. Comme pour tout huissier, le salarié sera nommé par par arrêté du garde des sceaux ou ministre de la justice.

3 / le serment : dans le mois suivant sa nomination, le nouvel commissaire de justice salarié doit prêter serment. Il ne pourra exercer ses fonctions qu’à partir de cette prestation. S’il ne prête pas serment ou ne respecte pas le délais, il sera considéré comme ayant renoncé à sa nomination.

La fin du contrat d’commissaire de justice salarié, 2 cas de figure

  • rupture du contrat, par mise à pied, licenciement, démission ou rupture conventionnelle

À compter du jour de la rupture du contrat de travail, quelle qu’en soit la cause, l’commissaire de justice n’est plus reconnu en tant qu’officier public. Il ne peut donc plus exercer ses fonctions et mandats.

En cas de démission, rupture conventionnelle ou départ en retraite, la fin du contrat de travail doit être adressée au procureur général et à la chambre départementale. Le procureur général transmet ensuite le dossier, accompagné de son avis motivé, au garde des sceaux.

En cas de faute, le licenciement ou la mise à pied peuvent être requis. Ils doivent se soumettre à des procédures très strictes. Officier public l’commissaire de justice est un salarié particulier, placé sous la surveillance du procureur général. Les fautes dont il sera accusé lors de son licenciement ne seront donc pas à la seule appréciation de son employeur mais d’une commission, d’une ou plusieurs cours d’appel. Commissaires de Justice de France vous conseille et vous accompagne lors de cette démarche aux nombreuses formalités, où la rigueur est de mise. 

  • fin de contrat dans le cadre d’une évolution

L’commissaire de justice peut également souhaiter quitter son salariat afin de devenir titulaire ou associé au sein de l’office où il exerce. Il sera nommé par un nouvel arrêté du garde des sceaux qui mettra fin à ses fonctions antérieures (les statuts ne se cumulant pas). Le nouveau professionnel sera opérationnel dès la publication de sa nomination au journal officiel, car ayant déjà prêté serment lors de sa prise de fonction en qualité de salarié.

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